Sur les rééditions cachées dans les recueils de contes de Jacques Sternberg
Le but de cet article est de donner une idée sur les rééditions cachées dans les recueils de contes de Jacques Sternberg, édités sous la responsabilité de l’auteur. Cette étude est purement factuelle. Les choix de réédition de Jacques Sternberg lui appartiennent, et probablement, s’il avait été réédité plus régulièrement (par Losfeld et les autres), il aurait sans doute moins usé de cet artifice.
Note personnel : Je suis entré dans l’œuvre de Jacques Sternberg par Univers Zéro, et je lui suis reconnaissant d’y avoir inclus des textes provenant de recueils précédents, indisponibles et introuvables.
Cet essai contient 3 parties :
1. METHODOLOGIE : la base du décompte, et une explication sur la manière de compter
2. RESULTAT : les chiffres et les tables
3. ANALYSE PAR RECUEIL : une analyse détaillée
1 – METHODOLOGIE
A – BASE de CALCUL
· L’analyse a été faite sur les 21 recueils édités (1561 contes – nouvelle et journal -), dont 2 sous le nom de Jacques Bert. La table ci-dessous a été calculée grâce à la base de donné installée sur le site : Jacques Sternberg, l’iconoclaste, inventaire/bibliographie/contes. J’y renvoie tout lecteur désireux de vérifier ou compléter cet essai.
· Les contes édités en revue ou en anthologie ou plus généralement dans la presse (le fou parle, FICTION, …) n’ont pas été pris en compte.
· Les recueils édités après sa mort (pour le moment il n’existe que ailleurs et sur la terre chez Mijade, compilation de nombreux recueils) ne sont pas pris en compte.
· Jacques Sternberg aimait revoir ses ouvrages avant réédition, ce qui fait que certains recueils ont été enrichis, comme la géométrie dans l’impossible (la seconde édition de 1960 est sérieusement remaniée), ou entre deux mondes incertains (série de contes brefs et très brefs en plus dans la seconde édition). Je n’ai tenu compte que des éditions originales.
· Pour chaque conte de chaque recueil, il a été vérifié : i) si le titre était original, et sinon, ii) dans quel recueil précédent (le plus ancien) il était déjà présent.
B – TITRES
L’étude est basée sur les titres, c’est-à-dire que deux contes de même nom
sont considérés comme étant identiques. Cette assertion semble de bon sens, mais
il y a au moins deux contre-exemples :
1. HOMONYMES. Quelques rares contes peuvent partager un même titre et être totalement différents. Jacques Sternberg a utilisé des termes simples du lexique pour ses titres (le détail, le passé, le langage, ..), ce qui fait que, ayant écrit plus de 1000 contes, les collisions pouvaient avoir lieu. D’un autre côté, Jacques Sternberg n’était pas gâteux, il connaissait son oeuvre, et il n’a pas, ou peu, fait de doublons involontairement. Cependant, on trouve parfois des homonymes dans un même recueil : par exemple le passé, dans les contes glacés, page 256 c’est un court texte de 10 lignes où on a perdu le XVIIième siècle, et page 357 c’est un texte de 2 pages dans lequel un inventeur retourne involontairement dans une heure particulièrement désagréable de son passé.
2. REECRITURE. Un conte peut être réédité avec tellement de modifications qu’il est légitime de considérer qu’il s’agit de contes différents. Un bon exemple est [petit] précis d’histoire du futur. Je ne prends pas en compte l’auto édition retrouvé par Eric Dejaeger, une rareté absolue, accessible dans le site. Sinon, les trois éditions, i) entre deux mondes incertains chez Denoël, ii) Fiction spécial chez Opta, et iii) 188 contes à régler chez Denoël, sont différents. La trame générale est identique, mais il y a de larges variantes, preuve que Jacques Sternberg a relu et réécrit ce texte auquel il tenait particulièrement.
C – CONSEQUENCE : les calculs ci-dessous donne une vision légèrement pessimiste, minimaliste, de la prolixité de Jacques Sternberg.
2 – RESULTATS
Lecture de la table : il y a une ligne pour chaque recueil
· Colonne conte = nombre de contes du recueil
· Colonne réédition = nombre de contes provenant de recueils précédant
· Colonne originaux = nombre de contes originaux
· Les colonnes suivantes détaillent l’origine des contes réédités, par recueil.
Quelques conclusions générales :
1. Première réédition à partir de entre deux mondes incertains, avec 2 textes venant de la géométrie dans la terreur.
2. Globalement, on compte 65% d’originaux, soit 1010 contes. Ci-dessous une vue graphique du tableau.
3. Les recueils les plus utilisés sont la géométrie dans l’impossible et les contes glacés (partie originale).
4. Les contes (titre) les plus utilisés, présents 7 fois dans l’œuvre, sont : la foi, la logique, le passé et l’oubli.
3 – ANALYSE PAR RECUEIL
1. Angles mort (1944) : premier recueil, sous le nom de Jacques Bert. Que des originaux.
2. Jamais je n’aurai cru cela (1945) : deuxième recueil, toujours sous le nom de Jacques Bert, toujours des originaux. Il n’y aura aucune réédition en recueil des nouvelles parues sous le nom de Jacques Bert.
3. Touches noires (1948) : un conte solitaire chez Cyrano
4. La géométrie dans l’impossible (1953) : premier recueil édité par E. Losfeld, entièrement original, et qui sera souvent repris, tout ou partie ; réédité par E. Losfeld en 1960.
5. Petit précis de l’histoire du futur (1954) : auto édition, un conte important pour Jacques Sternberg, largement réédité et réécrit
6. La géométrie dans la terreur (1955) : deuxième recueil édité par E. Losfeld, et réutilisé pour partie de nombreuses fois (E. Losfeld ne l’ayant pas réédité).
7. Entre deux mondes incertains (1957) : pour Denoël, collection Présence du futur, quasiment que des nouveaux contes, sauf deux emprunts au recueil précédent, déjà 2 ans après l’édition originale.
8. L’architecte (1959) : un texte unique
9. Manuel du parfait petit secrétaire commercial (1960) : trois textes très spécifiques et jamais repris
10. Univers zéro (1970) : rassemblé pour Marabout, composé pour partie de contes venus de entre deux mondes incertains, et de la géométrie dans l’impossible.
11. Futurs sans avenirs (1971) : pour Laffont, dans la collection Ailleurs et demain, tous inédits sauf si loin du monde, venant de entre deux mondes incertains. C’était sans doute la condition pour rentrer dans la prestigieuse collection dirigée par G. Klein. On note en sus que les 9 contes n’ont jamais été repris.
12. Contes glacés (1974) : pour Marabout, qui intègre une réédition quasi complète de la géométrie dans l’impossible (définitivement disparu des étals de libraire) d’où 60% d’inédits seulement, totalisant quand même 162 contes, souvent repris. Dans l’avant-propos, Jacques Sternberg donne un avertissement sur l’origine des contes.
13. Contes servis froids (1986) : un éditeur rare, la bibliothèque municipale de Saint-Quentin, pour un évènement très particulier, avec un petit nombre de reprises.
14. 188 contes à régler (1988) : deuxième recueil Denoël, et premier d’une série, avec une reprise venant des contes glacés et de la géométrie dans l’impossible
15. Histoire à dormir sans vous (1990) : toujours chez Denoël, avec les ‚ ¾ inédits
16. Histoire à mourir de vous (1991) : toujours chez Denoël, avec les ¾ inédits
17. Contes griffus (1993) : encore Denoël, avec les 2/3 d’inédits, la plus grosse reprise venant de 188 contes à régler, aussi chez Denoël.
18. Dieu, moi et les autres (1995) : dernier recueil chez Denoël, avec les 2/3 d’inédits, les reprises venant de toutes origines
19. Prémices (1996) : pour le festival du livre de Saint-Quentin
20. Si loin de nulle part (1998) : un montage pour l’éditeur les belles lettres. Le taux d’inédits se réduit, seulement 34%. Les 2 recueils les plus utilisés sont la géométrie dans l’impossible et les contes glacés (partie originale)
21. 300 contes pour solde de tout compte (2002) : dernier recueil paru, toujours pour l’éditeur les belles lettres, un peu plus de la moitié des contes sont originaux, l’autre partie est un piochage dans toute l’œuvre déjà éditée.