actualite, extension 04, réponse France et jean-Paul

Cher Monsieur,

 

Je vous présente donc mes observations et celles de ma mère, qui n’enlèvent rien à notre sentiment qu’il s’agit là d’une excellente préface.

Tout d’abord, ma mère et moi jugeons qu’il serait souhaitable de retrancher du texte le long séquencier du roman qui a pour inconvénient d’annoncer au lecteur ce qu’il devrait découvrir par lui-même.

1-Mes observations:

 

J’ai relevé deux inexactitudes, dans le contexte de 1961, au début de la préface. D’une part, l’Algérie n’est devenue indépendante qu’à la suite des accords d’Evian en 1962. D’autre part, L’Avventura date de 1960, et pour s’en tenir à Antonioni, c’est La Notte qui est sortie en 1961. Je suggère de citer plutôt L’année dernière à Marienbad de Resnais qui a obtenu en 1961 le Lion d’Or à Venise. En plus, Resnais est lié à J.S.

Quelques autres suggestions pour distinguer cette année 1961 :

– S’agissant de la guerre d’Algérie : le putsch des généraux à Alger (22 avril) et surtout la sanglante manifestation du FLN à Paris en octobre.

– Le premier homme dans l’espace, Gagarine (en avril) ; le procès Eichmannà Jérusalem; le début de la présidence de Kennedy aux USA.

– Côté littérature : la mort de Céline (que mon père aimait beaucoup).

 

2- Les observations de ma mère

 

Elles concernent le petit passage sur l’extrait de lettre à Tristan Maya, qui lui a inspiré les considérations suivantes, d’après ses propres souvenirs, que je reproduis fidèlement :

“J’aime beaucoup, dans l’ensemble, la préface de Denis Chollet. Mais il ya là au départ ce qui me semble un malentendu. Denis Chollet affirme que Sternberg a écrit un “Jour ouvrable” dans un état de profonde dépression. Alors qu’au contraire il l’a écrit dans un état de jubilation. Il y a là une sorte de dédoublement de la personnalité. D’une part, la noire lucidité, d’autre part le bonheur et la conscience de faire quelque chose d’étonnant qui serait accueilli par Lindon avec le même enthousiasme dont il avait accueilli “L’Employé”. La dépression est venue après, quand Lindon a froidement refusé le manuscrit. Ses motifs n’ont jamais été éclaircis. La lucidité du livre n’en est que plus extraordinaire, cohabitant avec cet état de jubilation intérieure qui l’habitait pendant qu’il écrivait. “

Pour ma part, j’avais également tiqué sur ce passage. Car, cet extrait d’une lettre écrite en 1960 ne valait qu’à l’instant T, comme d’ailleurs toute lettre ou toute parole de tout un chacun. En plus, mon père avait non seulement, comme le dit ma mère, une double nature (il s’en explique largement à la fin de ses Mémoires provisoires), mais des états d’âme très fluctuants. Dans ces conditions, il me paraît vraiment excessif de conclure, à partir de ce bout de lettre : “C’est assez pour dire l’état de neurasthénie dans lequel a été composé ce roman.”

Bref, cette citation me paraissant inopérante en l’occurrence, je souhaiterais que Denis Chollet veuille bien la retrancher de sa préface.

Bien à vous,

 

Jean-Pol Sternberg